Etape 5 : L’observation
L’observation comprend l’ensemble des opérations par lesquelles le modèle d’analyse (constitué d’hypothèses et de concepts) est soumis à l’épreuve des faits, confronté à des données observables.
L’observation est donc une étape intermédiaire entre la construction des concepts et des hypothèses d’une part et l’examen des données utilisées pour les tester.
1- Rôle de l’observation
Au cours de cette phase, de nombreuses informations sont donc rassemblées en vue de leur analyse dans une phase ultérieure.
Pour mener à bien l’observation, il faut pouvoir répondre aux trois questions suivantes :
- Observer quoi ?
- Observer sur qui ?
- Comment ?
2- Observer quoi ? Les données pertinentes
De quelles données un chercheur a-t-il besoin pour tester ses hypothèses ? Le chercheur a besoin des données qui sont définies par les indicateurs. Autrement dit, en sciences sociales, on ne rassemble que les données utiles à la vérification des hypothèses. Ces données nécessaires sont appelées les données pertinentes.
En fait, dans la phase de l’observation, les hypothèses sont les guides et les indicateurs constituent les points de repère.
Le meilleur et le seul moyen de définir aussi justement que possible les données pertinentes utiles au travail empirique consiste donc à élaborer un modèle d’analyse aussi clair, précis et explicite que possible.
3- Observer sur qui ? Le champ d’analyse et la sélection des unités d’observation
3.1- Le champ d’analyse
Il ne suffit pas de savoir quels types de données devront être rassemblés. Il faut encore circonscrire le champ des analyses empiriques dans l’espace géographique et social et dans le temps. Autrement dit, pour éviter des malentendus et travailler sans se disperser, il est nécessaire de préciser explicitement les limites du champ d’analyse : période de temps prise en compte, zone géographique considérée, organisations et acteurs sur lesquels l’accent sera mis, etc.
3.2- L’échantillon
Lorsqu’on a circonscrit son champ d’analyse, trois possibilités s’offrent au chercheur : il peut soit recueillir des données et faire finalement porter ses analyses sur la totalité de la population couverte par ce champ, soit se limiter à un échantillon représentatif de cette population, soit n’étudier que certaines composantes très typiques, bien que non strictement représentatives, de cette population. Le choix est en fait assez théorique car, le plus souvent, l’une des solutions s’impose naturelle, compte tenu des objectifs de la recherche.
Première possibilité : Etudier la totalité de la population.
Le mot ‘’population’’ doit être compris ici dans son sens le plus large, celui d’un ensemble d’éléments constituant un tout. Exemple : les élèves d’une école. Souvent cette formule est utilisée dans deux cas : soit lorsque la population considérée est très réduite et peut être étudiée entièrement en elle-même ; soit lorsqu’on besoin uniquement des données globales disponibles dans les statistiques (taux de suicide par exemple).
Deuxième possibilité : Etudier un échantillon représentatif de la population.
Cette formule s’impose lorsque deux conditions sont rassemblées :
- Lorsque la population est très importante et qu’il faut récolter beaucoup de données pour chaque individu ou unité ;
- Lorsque, sur les points qui intéressent le chercheur, il est important de recueillir une image globalement conforme à celle qui serait obtenue en interrogeant l’ensemble de la population, bref lorsque se pose un problème de représentativité.
Troisième possibilité : Etudier des composantes non strictement représentatives mais caractéristiques de la population
Cette formule est sans doute la plus courante. Lorsqu’un chercheur souhaite par exemple étudier la manière différenciée dont plusieurs journaux rendent compte de l’actualité économique, la meilleure solution consiste à analyser dans les détails quelques articles de ces différents journaux qui portent sur les mêmes évènements, de manière à procéder à des comparaisons significatives. Vouloir étudier tous les articles publiés est impossible et vouloir constituer un échantillon représentatif de l’ensemble des articles de chaque journal n’a guère de sens car les critères de représentativité seraient forcément très partiels et arbitraires.
4- Observer comment ? Les instruments d’observation et la collecte de données.
Dans ce point, nous exposerons d’abord les principes d’élaboration des instruments d’observation. On traitera ensuite des différentes opérations qui font partie du travail de phase d’observation.
4.1- L’élaboration des instruments d’observation
Cette phase du travail d’observation consiste à construire l’instrument capable de recueillir ou de produire l’information prescrite par les indicateurs. Cette opération ne se présente pas de la même façon selon qu’il s’agit d’une observation directe ou indirecte.
4.2- Les trois opérations de l’observation
a- Concevoir l’instrument d’observation
La première opération de la phase de l’observation consiste à concevoir un instrument capable de produire toutes les informations adéquates et nécessaires afin de tester les hypothèses. Cet instrument sera souvent mais pas obligatoirement, un questionnaire ou un guide d’entretien. Dans ces deux cas, leur mise au point requiert parfois une préenquête en complément de la phase exploratoire. Autrement dit, avant d’élaborer l’instrument d’observation, il faut passer par une opération préalable : la préenquête. Elle a pour fonction de nous révéler des indicateurs et de nous orienter dans le choix de l’instrument d’observation.
Pour que cet instrument soit capable de produire l’information adéquate, il devra contenir des questions portant sur chacun des indicateurs retenus préalablement et atteindre le meilleur degré de précision dans la formulation de ces questions. Autrement dit, il faut rédiger des questions pour tous les indicateurs. Mais cette précision ne s’obtient pas du premier coup. La deuxième opération consiste dès lors à tester l’instrument d’observation.
b- Tester l’instrument d’observation
L’exigence de précision varie selon qu’il s’agit d’un questionnaire ou d’un guide d’entretien. En effet, même si le guide d’entretien est structuré, il reste dans les mains de l’enquêteur. Par contre, le questionnaire est souvent destiné à la personne interrogée ; il est lu et rempli par elle. Il est donc important que les questions soient claires et précises, c’est-à-dire formulées de telle sorte que tous les sujets interrogés les interprètent de la même manière.
Outre l’exigence de précision, il faut encore que le sujet interrogé soit en état de donner la réponse, qu’il la connaisse et ne soit pas contraint ou enclin à la cacher.
Pour s’assurer que les questions seront bien comprises et que les réponses correspondront bien aux informations recherchées, il est impératif de tester les questions.
Cette opération consiste à les soumettre à un petit nombre de sujets appartenant aux différentes catégories d’individus composant l’échantillon.
En ce qui concerne le guide d’entretien, les exigences sont différentes. C’est la façon de mener l’entretien qui doit être expérimentée autant, sinon davantage que les questions elles-mêmes qui sont contenues dans le guide.
Le succès d’un entretien dépend bien sûr de la composition des questions mais aussi et surtout de la capacité de concentration et de l’habileté de l’enquêteur. Il est donc important de se tester. Cela peut se faire en enregistrant quelques entretiens et en écoutant comment ils sont menés.
c- La collecte des données
La troisième opération de la phase d’observation est la collecte des données. Celle-ci constitue la mise en œuvre de l’instrument d’observation. Cette opération consiste à recueillir ou à rassembler concrètement les informations prescrites auprès des personnes ou unités d’observation retenues dans l’échantillon. On procédera par observation directe ou par observation indirecte.
L’observation directe
On procédera par observation directe lorsque l’information recherchée est directement disponible. Le guide d’observation est alors destiné à l’observateur lui-même, non à un éventuel répondant. Dès lors, sa rédaction ne répond pas à des contraintes aussi précises que celles du questionnaire par exemple.
L’observation directe est celle où le chercheur procède directement lui-même au recueil des informations, sans s’adresser aux sujets concernés. Elle fait directement appel à son sens de l’observation.
Dans ce cas, l’observation porte sur tous les indicateurs pertinents prévus. Elle a comme support un guide d’observation qui est construit à partir de ces indicateurs et qui désigne les comportements à observer ; mais le chercheur enregistre directement les informations. Les sujets observés n’interviennent pas dans la production de l’information recherchée. Celle-ci est manifeste et prélevée directement sur eux par l’observateur.
L’observation indirecte
Dans l’observation indirecte, l’instrument d’observation est soit un questionnaire soit un guide d’entretien. L’un et l’autre ont comme fonction de produire ou d’enregistrer les informations requises par les hypothèses et prescrites par les indicateurs.
Dans le cas de l’observation indirecte, le chercheur s’adresse au sujet pour obtenir l’information recherchée. En répondant aux questions, le sujet intervient dans la production de l’information. Celle-ci n’est pas prélevée directement et est donc moins objective. En fait il y a ici deux intermédiaires entre l’information recherchée et l’information obtenue : le sujet à qui le chercheur demande de répondre et instrument constitué des questions à poser. Ce sont là deux sources de déformations et d’erreurs qu’il faudra contrôler pour que l’information apportée ne soit pas faussée, volontairement ou non.
L’observation directe, par questionnaire ou par guide d’entretien, doit vaincre la résistance naturelle ou l’inertie des individus. Il ne suffit pas de concevoir un bon instrument, il faut encore le mettre en œuvre de manière à obtenir un taux de réponses satisfaisant pour que l’analyse soit valable. Les gens sont pas forcément disposés à répondre, sauf s’ils y trouvent un avantage (parler un moment par exemple) ou s’ils pensent que leur avis peut aider à faire avancer les choses dans un domaine auquel ils attachent de l’importance. Le chercheur doit donc convaincre son interlocuteur. C’est pourquoi on évitera généralement d’envoyer un questionnaire par la poste et on le confiera volontiers à des enquêteurs, si le coût n’en est pas trop élevé. Le rôle de l’enquêteur est alors de créer chez les personnes interrogées une attitude favorable, le souci de répondre franchement aux questions et enfin de ramener un questionnaire correctement rempli. S’il s’agit d’un questionnaire envoyé par voie postale, il est important que la présentation du document ne soit pas dissuasive et qu’il soit accompagné d’une lettre d’introduction claire, concise et motivante.
5- Panorama des principales méthodes de recueil des informations
Les principales techniques de recueil des informations :
- Le questionnaire ;
- L’entretien (l’interview) ;
- L’observation (directe ou participante) ;
- Le focus group ;
- Le récit de vie ;
- L’analyse de contenu ;
- La recherche documentaire.
Remarque générale : Aucune technique n’est meilleure, ni moins bonne qu’une autre. Tout dépend des objectifs de la recherche, du modèle d’analyse et des caractéristiques du champ d’analyse.