La démarche est la manière de progresser vers un but, c’est une façon de décrire les principes fondamentaux à mettre en œuvre dans tout travail de chercheur. Ainsi, Gaston BACHELARD et Benoit GAUTHIER font partis des sociologues qui ont marqués le XIXe et XXe siècle à travers leurs différentes démarches méthodologiques. C’est dans cette logique que s’inscrit Benoit GAUTHIER dans son ouvrage ‘’La Recherche Sociale: De la problématique à la collecte de données’’. Selon lui « la recherche sociale permet de généraliser et d’appliquer le savoir parcellaire du sens commun alors que celui-ci ne peut s’en tenir qu’au cas par cas ». De même Gaston BACHELARD dans son ouvrage ‘’Manuel de recherche en sciences sociales’’. Pour lui, « le fait scientifique est conquis, construit et constaté ».
Toutefois, comment comparer la démarche scientifique proposée par ces deux auteurs ?
Notre argumentation portera d’abord sur la démarche scientifique de Gaston BACHELARD et celle de Benoit GAUTHIER et ensuite faire une comparaison de ces deux auteurs.
I-LA DEMARCHE SCIENTIFIQUE DES DEUX AUTEURS
1-La démarche scientifique de Gaston BACHELARD
La démarche scientifique de Gaston BACHELARD est un processus en trois étapes fondamentales, à savoir : la conquête, la construction et la constatation.
Dans la première étape qui est la conquête ou la rupture, en science sociale, notre bagage soit disant théorique possède de nombreux pièges car une grande part de nos idées s’inspirent des apparences immédiates ou de partis pris. Construit sur de tels prémisses revient à construire sur du sable. D’où l’importance de la conquête qui consiste précisément à rompre avec le sens commun, les fausses évidences et les allants de soi qui nous donnent seulement l’illusion de comprendre les choses. Ce qui exige un effort de distanciation. La rupture est donc le premier acte constitutif de la démarche scientifique, composée de la question de départ, l’exploration et la problématique.
Ensuite la deuxième étape qui est la construction. Dans cette formalisation, la rupture ne peut s’effectuer qu’à partir d’une représentation théorique préalable qui est susceptible d’exprimer la logique que le chercheur suppose être à la base du phénomène étudié. C’est grâce à cette construction mentale que le chercheur peut chercher à prévoir l’appareillage à installer, les opérations à mettre en œuvre et les conséquences auxquelles il faut logiquement s’attendre au terme de l’observation valable. Sans cette construction théorique, il n’y aurait pas d’expérimentation valable. Le deuxième acte appelle à la construction d’une représentation théorique ou un modèle logique. Cet acte englobe la construction du modèle d’analyse.
Enfin, dans la dernière phase appelée la constatation. Dans cet acte, une proposition n’a droit qu’au statut scientifique que dans la mesure où elle est susceptible d’être vérifiée par les faits. Cette constatation ou expérimentation soumet l’hypothèse à l’épreuve des faits en mettant en œuvre les outils construits. Cette mise à l’épreuve des faits est appelée constatation ou expérimentation. Elle correspond au troisième acte de la démarche, qui engendre l’observation, l’analyse des informations et les conclusions.
2-La démarche scientifique de Benoit GAUTHIER
La démarche scientifique selon Benoit GAUTHIER se résume en trois phases à savoir : la préparation de l’observation, la formation de l’information et l’analyse des informations.
Selon Benoit GAUTHIER la préparation de l’observation constitue la première étape. Ici, le chercheur s’interroge sur l’origine de sa connaissance et sur la validité de ses modes d’acquisition de nouvelles connaissances. Cette phase fondamentale sépare le penseur, qui est en mesure de contribuer à faire avancer le savoir du producteur, qui participe à une connaissance immédiate. Cette préparation de l’observation engendre l’établissement de l’objet d’étude et la structuration de la recherche.
Ensuite, il parle de la formation de l’information qui est la deuxième phase de sa démarche scientifique. Cette étape peut être réalisée de diverses manières, mais dans chaque cas le principe reste le même : effectuer une observation systématique sur le terrain qui, comme le genre d’observation, varie d’une forme de collecte à l’autre. Toutes les données des méthodes présentées dans la section sur la formation de l’information ont recours à des données mises en forme spécialement pour l’étude en cours.
Enfin, la troisième phase que GAUTHIER appelle l’analyse des informations comprend le traitement de l’analyse de ces données et la diffusion des résultats. Mais comme la somme de matériel continuel dans cette troisième phase nécessiterait la rédaction d’un ouvrage entier, comme les cours découpent généralement cet apprentissage en deux parties et comme l’esprit de la troisième phase est sensiblement différent de celui des deux premières.
II-LA COMPARAISON DES DEMARCHES DES DEUX AUTEURS
1-Points de divergences des auteurs
Pour mieux établir la comparaison de la démarche sociologique de Gaston BACHELARD et celle de Benoit GAUTHIER, nous constatons que leurs démarches se différencient aux niveaux des actes.
D’abord, sur le plan de la forme, Gaston BACHELARD définit sa démarche sous forme de trois « C » c’est-à-dire la conquête (question de départ, exploration, problématique), la construction (construction du modèle d’analyse) et la constatation (observation, analyse des informations, les conclusions). Dans sa démarche sociologique BACHELARD présente ses trois actes en sept étapes résumés.
Par contre, quant à GAUTHIER la démarche sociologique se définit en trois moments à savoir la préparation à l’observation qui engendre l’établissement de l’objet (la spécification de la problématique, l’accès à l’information, théorie et sens de la recherche, modélisation), la structuration de la recherche (structure de la preuve, mesure, échantillonnage, éthique en recherche sociale) et la formation de l’information ( observation direct, entretien non directif, approche biographique, groupe de discussion, analyse de contenu, sondage, données secondaires) et enfin l’analyse de l’observation(traitement des données, l’analyse des données).
Ensuite, dans le fond Bachelard résume son premier acte (conquête) en présentant en premier la question de départ : qui est sa première étape de la recherche. Pour lui, cette étape permet d’orienter le chercheur vers son objet. En deuxième, il évoque l’exploration qui permet à l’enquêteur de reformuler la question de départ et de préparer la problématique. Troisièmement, il nous parle de la problématique qui est la dernière phase de la conquête qui consiste de conduire le chercheur à faire une conclusion explicite. Dans le deuxième acte appelé la construction qui constitue juste le modèle d’analyse qu’il définit comme la formulation des hypothèses qui conduisent à la construction des concepts. Par son troisième acte, il nous présente la constatation composée de l’observation qu’il définit comme étant les différentes techniques de collecte des données déterminées sur les statistiques des données quantitatives et quant à l’analyse des informations qui pour lui permet de faire le traitement des données collectées pendant l’observation. Par la fin il termine par laconclusion, qui pour lui, sert à finaliser le contenu de la question de départ et de répondre à la problématique.
Par contre chez Benoit GAUTHIER, la première phase (la préparation de l’observation) comporte deux étapes à savoir : d’une part l’établissement de l’objet d’étude. Dans cette étape nous avons la spécification de la problématique ou le chercheur se demande ce qu’il veut savoir sur quel sujet il veut se poser des questions. Pour lui, il faut d’abord apprendre à restreindre ses élans et à limiter son champ d’intérêt, choisir un thème de recherche, lire attentivement des ouvrages généraux sur ce thème, retenir la question générale, relever un problème particulier et en tirer une question spécifique de la recherche. Ensuite, par l’accès de l’information qui permet au chercheur d’arriver au cœur de l’objet de recherche. Puis nous avons la théorie et le sens de la recherche. Cette théorie est l’ensemble des énoncés qui permet l’interprétation des données, la généralisation des résultats et l’encadrement de la recherche. De toute cette opération ressort l’objet de recherche lui-même : l’hypothèse. Enfin, il évoque la modélisation qui est une démarche ambitieuse de conception théorique qui constitue une option à l’adoption d’une théorie existante. D’autre part la structuration de la recherche composée en premier de la structure de la preuve. Sur ce point il faut se demander quel type de recherche on doit faire, quelle structure on doit donner à la comparaison effectuée. En deuxième il énonce la mesure. Cette action de mesure se situe à la jonction des deux grandes étapes de la recherche. La formulation des hypothèses, d’une part, et leur vérification d’autre part. En troisième lieu, il nous parle de l’échantillonnage qui n’est pas seulement le fait des sondeurs et chercheurs universitaires ou professionnels. Aussi l’échantillonnage s’appuie sur des principes que le chercheur met en œuvre de façon presque spontanée dans la vie de tous les jours. Cependant pour GAUTHIER, l’échantillonnage ne peut être choisi sans précaution. Par la fin Il ferme cette structuration de la recherche par l’éthique en recherche sociale pour lui cette action constitue une véritable connaissance scientifique dans le domaine des relations sociales qui tendent à s’atténuer, des controverses sur le jeu des valeurs dans l’enquête scientifique et sur les considérations éthiques qui influencent la recherche sociale.
En outre, nous avons la deuxième phase qui est celle de la formation de l’information regroupée en sept actions à savoir l’observation directe qui est pour GAUTHIER présente ses écrits et ses limites propres, dont il est important d’être conscient en vue de les minimiser dans ses notes analytiques. Pour cela le chercheur doit relier systématiquement ses hypothèses et interprétations aux faits observés. Il ajoute l’entretien non directif comme deuxième action qui est un moyen comme nul autre d’approfondir la compréhension d’individu. Par ailleurs, il énonce l’approche biographique comme troisième action qui permet d’examiner peu de cas, mais d’approfondir au maximum leur compréhension. De plus Benoit GAUTHIER nous parle du groupe discussion qui est une technique d’entrevue réunit de six à douze participants et un animateur, dans le cadre d’une discussion structurée sur un sujet particulier. Il évoque aussi l’analyse de contenu. Pour lui, il explique que pour cette cinquième action la question du sens dans l’étude des comportements sociaux est question centrale de la recherche sociale. A ce niveau l’observation devient l’analyse des contenus. A cela, il ajoute également comme sixième action le sondage qui est un instrument de mesure destinée à recueillir des informations relatives à un questionnement. Pour fermer l’acte de la formation à l’information il aborde la dernière action qui est celle des données secondaires. Pour lui ce sont des données mises en forme spécialement pour l’étude.
Enfin, il aborde la troisième phase celle del’analyse de l’observation qui comprend letraitement des données qui consiste pour les chercheurs de se nourrir souvent de l’idée qu’une fois qu’ils ont trouvés la solution aux problèmes et qu’ils ont partagés avec les praticiens, ceux-là n’ont alors qu’à l’appliquer pour changer la situation jugée problématique. A cela il ajoute l’analyse des données, cette dernière qui permet aux chercheurs d’articuler une critique plus fondamentale sur la recherche sociale à partir de ses axiomes en offrant un ensemble de critère d’évaluation de l’enquête par sondage qui se termine par un exposé de différences qui existent entre la démarche de la recherche académique et la démarche de recherche organisationnelle.
2-Points de convergence des deux auteurs
Pour mieux converger la démarche sociologique de Gaston BACHELARD à celle de Benoit GAUTHIER, nous constatons qu’au niveau de la forme les deux auteurs ont résumés leur démarche scientifique en trois étapes.
En effet, selon BACHELARD la démarche constitue la conquête, la construction, et la constatation. Quant à Benoit GAUTHIER, la démarche sociologique se résume en trois moments c’est-à-dire la préparation de l’observation, la formation de l’information et l’analyse de l’observation.
Au fond, malgré leurs méthodes leur but d’ensemble reste le même, fournir aux chercheurs des outils afin d’atteindre leur objectif dans la recherche et de rompre avec les préjugées. Il est important de souligner ici que les étapes des deux auteurs sont dites complémentaires dans la mesure où ils vont dans le même but celui de l’objectivité.
TABLEAU DE COMPARAISON DES AUTEURS
Auteurs |
Points de divergences |
Points de convergences |
Gaston BACHELARD |
Conquête, Construction et Constatation |
Rompre avec les préjugées c’est-à-dire faire une rupture épistémologique |
Benoit GAUTHIER |
Préparation de l’observation, formation de l’information et l’analyse de l’observation |
Conclusion
Au terme de notre analyse, il en ressort que la démarche sociologique de Gaston BACHELARD et de Benoit GAUTHIER se résume en trois étapes chacune. Selon BACHELARD le fait social est conquis, construit et constaté. Pour GAUTHIER, elle commence par la préparation de l’observation, la formation de l’information et l’analyse de l’observation. Ainsi, les démarches des deux auteurs se différencient au niveau de la forme car ils n’utilisent pas les mêmes méthodes pour effectuer leurs recherches. Nous pouvons retenir que le but recherché par ces deux sociologues est le même, celui de fournir aux chercheurs des outils pour atteindre l’objectivité afin de rompre avec les préjugés.